Paris-sur-Mer

La première fois que ma mère s’est rendue dans l’appartement de Waddah, elle est restée scotchée à sa vue qui donnait sur la Seine. Elle s’est assise devant la fenêtre et elle a dit à son employeur : « Tu me donnes vingt minutes ? J’ai envie de me retrouver avec l’eau. »

Après sa famille, ce qui a le plus manqué du Liban à ma mère, c’était la Méditerranée. Enfant et adolescente, elle passait son temps à la mer. Elle m’a même avoué qu’elle a découvert sa vraie couleur de peau une fois à Paris, une couleur blanchâtre qui tend vers le jaune et le gris selon son humeur et sa fatigue. Elle pensait avant qu’elle était mate de peau.

Cette Méditerranée, il m’est arrivé de la rêver sur les bords de Seine. Paris se confond alors avec le village de ma mère où je me rendais constamment quand je vivais au Liban pour nager, bronzer et lire dans ses criques. De l’eau, quelques fruits et des amandes me suffisaient pour tenir la journée entière. Je n’ai jamais autant aimé ce pays que lors de ces moments que je vivais en confidence avec la mer.

Les jours de grande chaleur, j’imagine que l’île Saint-Louis est constituée de plages de roche blanche et de galets. Que de jeunes femmes et de jeunes hommes nagent et escaladent les rochers pour se rendre au café siroter une bière en maillot, des couples âgés bronzent et lisent sur leurs chaises pliantes, des adolescents plongent des hauteurs, des enfants jacassent et tapotent au bord de l’eau, des amoureux venus en Vespa se blottissent l’un contre l’autre et observent la mer sans se dire un mot.

Paris devient le lieu rêvé, un paradis, un éden. Paris-sur-Mer.